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Le vélodrome et le torodrome du Parc Barbieux de Roubaix

Le vélodrome


Le vélodrome de Roubaix en 1910, avec la publicité pour le pneu Michelin


Situé à la sortie du Parc Barbieux sur le Nouveau Boulevard, comme le précise la légende de la carte postale ci-dessous, et accessible par le tramway Mongy, le vélodrome du Parc Barbieux fut élevé à la place d'un ancien torodrome.






Ce vélodrome du Parc Barbieux est situé selon les légendes des cartes postales, soit à Croix, soit à Roubaix. Effectivement à la limite des deux villes, son emplacement exact était assez imprécis pour de nombreux spectateurs. 






Le torodrome

Entre 1893 et 1914, Roubaix connait une vague d’enthousiasme pour les corridas espagnoles, organisées sur la piste du torodrome construit en 1899. Ces courses tauromachiques, qui peuvent accueillir jusqu’à 10 000 aficionados, sont vivement critiquées par une partie de la population qui, en 1904, parvient à faire détruire le torodrome. Les corridas se poursuivent au vélodrome jusqu'en 1914, Roubaix continuant d’accueillir les meilleurs matadors et toreros hispaniques. Au cours de l'année 1913, de nombreuses interventions de la gendarmerie rappellent aux organisateurs les termes de la loi. Ces derniers passent outre, jusqu'à l'ultime course de taureaux donnée à Roubaix, le 15 juin 1914.


L'engouement se retrouve dans l'édition de cartes postales. Ci-dessous le correspondant signale, le 18 août 1901, avoir du faire 15 magasins avant de pouvoir se procurer " la seule carte de la course de taureaux, disponible dans toute la ville de Roubaix. "






La collection Bernard Thiébaut, ci-dessous, est composée de nombreux clichés pris aux alentours de 1900.











Article paru dans la revue " Sport Universel Illustré " le 22 Juillet 1899 relatant le combat entre le lion Goliath et le taureau Venaito qui eut lieu le 14 juillet 1899 au torodrome de Roubaix à côté du parc Barbieux.

" Le lion contre le taureau "


" La rencontre - une grande première pour la France - avait attiré à Roubaix une foule considérable de parisiens, de curieux venus de départements voisins ou éloignés, de Belgique ou d'Angleterre.
(...) La corrida Leotauromachique était un événement ; elle s'annonçait comme une fête d'un éclat sans précédent. Elle la fut par la foule attirée – 12 000 spectateurs -, par le mouvement créé, par la splendeur du spectacle ; elle fut malheureusement gâtée par la mésaventure du combat du lion et du taureau qui ne tint pas en horreur tout ce qu'il promettait d'émotions cruelles et grandioses.
(...) Les connaisseurs racontent que le combat sera de courte durée. A les croire, le lion est dans une rencontre pareille, condamné d'avance. Le taureau est favori. On espère un corps à corps violent, monstrueux, d'où partiront d'effroyables rugissements, d'où s'envoleront sous la prise des dents, sous l'arrachement des griffes, des lambeaux de chair pissant le sang, tandis que formidablement étripé le lion vaincu irait de son grand corps rougir le sable de l'arène.
(...) Les grilles se sont ouvertes. Le lion Goliath, superbe et majestueux, grand, imposant dans sa fauve crinière, sort à pas lents... Le taureau Venaito fait son entrée. Il est noir, joli, vigoureux, admirablement encorné. Il renifle, aperçoit son adversaire le lion qui là là-bas erre toujours de son trot tranquille et lent sans rien voir. On crie pour prévenir le lion de ce qui le menace. Venaito gratte le sol avec fureur ; le lion se retourne. Ils sont en présence. Le taureau a foncé ; le lion l'attend. Rude choc ! Goliath s'est dressé sur la grille où l'écrase le taureau...



(...) Venaito est las lui aussi de lutter contre un adversaire si fort et si souple que sa fougue n'a pu en avoir raison. Venaito en arrêt contemple son ennemi qui couché et majestueux de dédain et d'indifférence cligne de ses braves et bons yeux gris fers. Le combat est terminé. On aura beau faire, les deux bêtes ne se reprendront plus. Alors le public proteste.
(...) Pour donner aux mécontents un os à ronger, on décida de la mort tauromachiquement du vainqueur du duel.
(...) Il y eu des incidents à Roubaix dans l'arène, après la corrida. Une centaine de gamins et deux ou trois énergumènes sont allés insulter le lion, et la dessus les éternels pleurnicheurs - vous savez ceux qui combattent tout ce qui est sport physique et viril - ont enfourché leurs dadas favoris. Ils ont parlé de la décadence de cette pauvre France ; les jeux de cirque avilissants ; le développement des mauvais instincts. Quel tas de rasoirs ! Je voudrais savoir ce qu'il y a de plus avilissant, d'un combat sanglant qui donne un spectacle de courage, ou d'une séance de café concert où des femmes en des gestes indécents dégoisent des chansons bêtes et ignobles ?
(...) Si le taureau avait dès la première attaque, éventré le lion, les protestations eussent été des acclamations, et le public s'étant retiré satisfait, nous n'aurions pas eu dans les journaux les tartines aussi pleurnicheuses que classiques de nos moralistes d'occasion.


Un ouvrage " Torodrome, une histoire de la corrida à Roubaix ", a été publié par Pierre-Alban Delannoy 



Les corridas

Article paru dans la Voix du Nord le samedi 4 août 2018, avec des photos recardées des Archives Départementales du Nord.

Dis-moi grand-père, comment on s’amusait avant ? 


Les bals du Fresnoy, les combats de coqs, etc. Comment s’amusait-on, dans le versant nord-est de la métropole, il y a dix, cinquante ou cent ans ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir cet été, chaque samedi. Aujourd’hui, place à l’une des plus anciennes traditions hispaniques : la tauromachie.  

Au risque d’en surprendre plus d’un, il y avait bel et bien une Plaza de Toros à Roubaix ! Enfin, pour être plus précis, elle se trouvait sur le territoire de Croix, mais elle était gérée par le vélodrome de Roubaix. C’était il y a un peu plus d’un siècle, et ça a duré vingt ans.


Au début, le prix des places et l’intimidante présence des élites font que peu d’ouvriers y assistent. 

Jeudi 21 septembre 1893, date marquante pour les Roubaisiens de l’époque en voyant arriver en ville treize taureaux en même temps. Dans cette commune peuplée d’ouvriers qui ne se sont pas souvent déplacés plus loin que les Flandres, c’est la première fois qu’on peut admirer de telles bêtes. Le spectacle est au début peu accessible quand est organisée la première course dans l’enceinte du Manège du Parc Barbieux. En effet, le prix des places et l’intimidante présence des élites font que peu d’ouvriers vont y assister.


Dénaturée

Un soir de juillet 1899, la rumeur court qu’un lion se trouve au Beau Jardin. Le lendemain, des affiches sont collées dans les rues, annonçant le virulent combat entre un taureau et un « lion sauvage ». Celui-ci est prévu pour la fête nationale. Le jour J, nombreux sont les paris en faveur du lion. Les aficionados de la tauromachie refusent d’assister au combat, jugeant le spectacle comme une dénaturation de la corrida. Mais finalement, personne n’aura vu la lutte, car il n’y en a pas eu ! Les spectateurs voient entrer dans l’arène un vieux lion grisâtre, d’apparence malade. Blessé aux pattes, il tient à peine debout et s’allonge de fatigue au milieu de l’arène, refusant le combat. Le jeune taureau ne fera qu’une bouchée de la bête.

C’est un fiasco ! Le public jette coussins, pancartes et tout ce qu’il peut trouver sur le sable. Un coup dur qui restera en travers de la gorge car, alors qu’un nouveau combat est prévu avec un lion plus vigoureux, histoire de rattraper le précédent désastre, le préfet du Nord interdit les combats entre animaux dans le département, et c’est sûrement pour le mieux.

Un torodrome de 12 000 places

Cependant, la corrida va progressivement se démocratiser, au fur et à mesure des courses organisées dans le vélodrome puis dans le torodrome construit juste à côté en 1899, aux abords du Parc Barbieux, à l’entrée de la rue d’Hem. D’une capacité de 10 000 places (puis 12 000 après un agrandissement) dans un espace de 8 000 m², ces arènes témoignent de la passion des Roubaisiens pour la tauromachie. À l’origine, l’objectif est également d’accueillir d’autres types de spectacles, de musique ou de cirque, mais les arènes seront majoritairement occupées par les courses taurines.


Malgré l’engouement général, la tauromachie n’est pas au goût de tous.

Suivant de vives critiques par une partie de la population et notamment par les membres de la Société protectrice des animaux (SPA), ces opposants finissent par obtenir la destruction du torodrome en 1904. Toutefois, il en faut plus pour décourager les aficionados maintenant nombreux à Roubaix, et après quelques années de pause, les courses taurines reprennent au vélodrome.

Bien que la préfecture ait fini par interdire les mises à mort de taureaux, et malgré les diverses interventions de la gendarmerie pendant les courses qui suivirent, les organisateurs des corridas passeront systématiquement outre, jusqu’à la course du 15 juin 1914, interrompue à cause d’un orage, et qui ne sera jamais terminée, car c’était la dernière… La Première Guerre mondiale éclate le 28 juillet.

Les mœurs ont, après le conflit, évolué. La corrida est passée de mode.

Les ascensions de ballons

D'autres attractions ont eu lieu dans ce vélodrome comme l'ascension du ballon du capitaine Henry en 1910. Une carte postale a été éditée à cette occasion.













Jean-Baptiste Glorieux

Cet événement permet de rappeler le souvenir du célèbre aéronaute roubaisien Jean-Baptiste Glorieux, surnommé " le ballonniste ou Batisse ", qui est enterré au cimetière de Roubaix. Il pilotait des ballons au gaz, aéronefs différents des montgolfières. Né à Tournai en 1834 il est décédé à Roubaix, le 23 mars 1905, après avoir effectué 635 ascensions.



La tombe de Jean-Baptiste Glorieux au cimetière de Roubaix (allée A1)

La famille d’origine belge s'installa à Roubaix en 1843. Sa dernière ascension, il la fit à partir de sa ville natale Tournai, en 1904, à l'âge de 70 ans. 

C’est dès l'âge de quinze ans, qu’il se met à rêver de ballons, d'aventures, alors qu'il est tisserand puis ouvrier tourneur ferronnier. Il marquera beaucoup d'intérêt pour la mécanique, la physique, l'astronomie et le chimie. C'est dans une filature de la cité lainière, sa ville d'adoption, qu'il assembla son premier ballon, en 1861, un ballon d'essai si l'on peut dire en quelque sorte, car celui-ci ne parvint pas à s'élever dans les airs. Assez casse-cou,  il a fait son premier voyage dans une montgolfière qu’il avait fabriqué lui-même. Mais, ce premier essai fut assez malheureux, le tissu de l'aérostat n'ayant pas la légèreté nécessaire.

Sa première véritable ascension aura lieu à Herseaux, au quartier des Ballons, lieu hautement prédestiné. Il réalisera des prouesses extraordinaires s'élevant dans les airs juché sur un âne ou sur un cheval, l'animal servant de nacelle, réalisant des acrobaties sur un trapèze attaché à la ballon. Au départ de la place de la République, à Lille, il montera à 4 000 mètres d'altitude avec un passager. En 1901, il détint même un record en parcourant la distance Croix-Koenigsberg, soit 840 kilomètres. Lors de la kermesse annuelle de septembre, il revint régulièrement dans sa ville natale, pour l'ascension du ballon de la place Crombez.


Ses ballons avaient des noms, comme l'Hercule, le Zodiaque, le Jupiter ...
Plusieurs de ses ascensions faillirent tourner au tragique. En 1866 à Nantes lors de la descente son ballon arrivait sur une voie ferrée au moment du passage d'un train. Il put jeter du lest au dernier moment pour remonter in extremis.
La même année à Saint-Lô, poussé vers la mer par un vent violent, il décida d'atterrir rapidement et termina dans les arbres avec la corde de son ancre cassée.
Le 14 juin 1885, aux environs de minuit, après avoir tiré un feu d'artifice au-dessus de Lille qu'il venait de quitter, il se trouva emporté vers Douai, Arras et même Paris, pour revenir vers Boulogne. Sans comprendre qu'il était au dessus de la mer en raison de l'obscurité, ce n'est qu'au petit matin qu'il put s'élever à 4 000 mètres. Voyant un navire il se laissa tomber dans l'eau, mais le steamer était loin. A bout de force il fut recueilli par un canot de sauvetage du Brighton.

Après tant d'émotions, c'est pourtant d'une mort calme et sereine qu'il s'éteignit.